Journée internationale des maladies rares : conférence de presse de la Plateforme Maladies Rares
A l’occasion de la Journée Internationale des Maladies Rares qui se déroule le 29 février 2020, les six acteurs de la Plateforme Maladies Rares ont organisé une conférence de presse le 25 février sur le thème : "La réalité chiffrée des maladies rares".
La conférence de presse a été introduite par Yann Le Cam, Directeur d' EURORDIS-Rare Diseases Europe, qui a fait une présentation générale de la Journée Internationale des Maladies Rares. Des milliers d’événements et d’actions de sensibilisation sont organisés dans plus de 100 pays à l’occasion de la Journée Internationale des Maladies Rares, initiée par EURORDIS en 2008, et coordonnée par 60 alliances nationales partenaires dont l’Alliance Maladies Rares en France. Cette année, la campagne globale de la 13ème édition de la Journée internationale des maladies rares, met l’accent sur la nécessité pour les 300 millions de personnes vivant avec une maladie rare dans le monde de bénéficier d’un accès pour tous au diagnostic, aux traitements, et aux soins. En France, 3 millions de personnes sont concernées. La campagne de cette année porte le message : «Etre rare, c’est être nombreux. Etre rare, c’est être forts. Etre rare, c’est être fiers.» afin de repositionner les fondamentaux des maladies rares, et permettre de mettre en place des actions communes pour répondre aux enjeux liés aux maladies rares, qui s'inscrivent dans les objectifs de développement durable 2030 des Nations Unies.
L'objectif de la conférence de presse était de présenter les résultats de l'étude épidémiologique réalisée par Orphanet en partenariat avec EURORDIS-Rare Diseases Europe, publiée dans l’European Journal of Human Genetics(1). Il s’agit de la première analyse aussi précise permettant de confirmer de manière chiffrée que les maladies rares constituent un enjeu de santé publique. Un nombre restreint d’études épidémiologiques ayant été publiées à ce jour, et peu de registres ayant été mis en place au regard du nombre de maladies, il était difficile d’établir la prévalence exacte des maladies rares, et le nombre de personnes concernées par les maladies rares était jusqu'alors controversé. Après avoir harmonisé les données provenant de la littérature selon une méthodologie basée sur l’évaluation de la prévalence ponctuelle, l’équipe d’Orphanet est parvenue à estimer que 3,5 à 5,9 % de la population mondiale est concernée par ces pathologies, correspondant en moyenne, à environ 300 millions de personnes, soit 4 % de la population mondiale, et 3,1 millions de personnes en France. Cette étude, exploitant la base de données Orphanet, utilise une définition clinique des maladies rares de manière à représenter toutes les maladies rares et la définition européenne de la rareté (prévalence inférieure à 1 cas sur 2000). Les chercheurs ont notamment montré que sur les plus de 6000 maladies définies dans Orphanet, 72 % d’entre elles sont d’origine génétique, et jusqu’à 88% des maladies rares se présentent ou peuvent se présenter chez l'enfant. Par ailleurs, parmi les pathologies analysées dans l’étude, 149 sont responsables à elles seules de 80 % des cas de maladies rares répertoriées dans le monde. 98% des personnes atteintes de maladies rares sont porteuses de l’une des 390 maladies rares les plus prévalentes. 2% des personnes atteintes des maladies les plus rares sont les plus vulnérables du fait du manque de données et d’expertises sur ces maladies touchant très peu de personnes chacunes.
« Nos données constituent vraisemblablement une estimation basse de la réalité. La plupart des maladies rares ne sont pas traçables dans les systèmes de santé et il n’y a pas de registres nationaux dans la plupart des pays. Rendre visibles les malades dans le système de santé en y implémentant le moyen de noter leurs diagnostics précis permettra à l’avenir non seulement de réviser nos estimations, mais plus fondamentalement de mieux adapter les politiques d’accompagnement et de prise en charge », a précisé Ana Rath, Directrice d’Orphanet.
Prises collectivement, les maladies « rares » ne sont pas rares. Rendre visible les maladies rares dans les systèmes de santé et les systèmes médico-sociaux avec des données chiffrées est nécessaire pour la mise en place et le suivi des politiques de santé publique pour les maladies rares, grâce une codification des maladies rares dans les systèmes d’information. Cette politique est devenue une réalité en France avec le 3ème Plan National Maladies Rares et le déploiement progressif d'un volet maladies rares dans le dossier patient informatisé dont les données sont versées à la Banque Nationale de Données Maladies Rares.
La deuxième partie de la conférence de presse a été également l'occasion de mettre en exergue les principaux enjeux des maladies rares concernant l’accès du diagnostic, l’accès au traitement et la vie quotidienne avec la maladie avec le partage d’expérience de trois témoins présentant une maladie rare. Nathalie Triclin-Conseil, Présidente de l’Alliance Maladies Rares a introduit leur témoignage en rappelant les données de l’enquête Erradiag, réalisée par l’Alliance Maladies Rares en 2016, sur l‘ errance diagnostique. Un quart des personnes atteintes de maladies rares attend plus de 5 années afin d’obtenir un diagnostic. Le retard à l’obtention d’un diagnostic constitue en outre un obstacle pour l’accès au conseil génétique.
Isabelle a partagé son expérience sur l’accès au diagnostic pour elle et sa famille. L’accès au diagnostic, après de longues années, a permis de nommer leur maladie héréditaire et de préserver l’égalité des chances dans l’accès au soin et à la scolarité, mais également d’apporter l’espoir d’un nouveau traitement.
Lara a partagé l’expérience de son fils atteint du syndrome d’Angelman pour l’accès au traitement. La prise en charge de la maladie consiste en un accompagnement médical, avec un traitement symptomatique, et paramédical. Actuellement 95 % des maladies rares n’ont pas de traitement curatif. Un des troubles de la maladie, la sialorrhée, qui a un fort impact au niveau social, pourrait bénéficier d’un traitement symptomatique mais ce traitement n’est pas actuellement disponible en France car il n'existe pas de comparateur pour pouvoir en fixer le prix.
Jean-Philippe, atteint d'une forme rare de neuropathie périphérique dysimmune, le syndrome de Lewis-Sumner, a témoigné de la vie quotidienne avec une maladie rare évolutive invalidante dont le pronostic est mal connu. La vie quotidienne peut présenter des phases de rupture au niveau social, scolaire et professionnel, grevées par le fait de subir un handicap invisible. La vie professionnelle de Philippe a été ponctuée par un changement de profession pour s’adapter à la maladie.
La dernière partie de la conférence de presse a consisté en une session de question / réponses coordonnée par Marie-Pierre Bichet, Présidente de Maladies Rares Info Services, en présence de Christian Cottet, Directeur Général de l’AFM-Téléthon, Christophe Duguet, Directeur des Affaires Publiques de l’AFM-Téléthon, Daniel Shermann, Directeur de la Fondation Maladies Rares, Nathalie Triclin-Conseil, Présidente de l’Alliance Maladies Rares, Ana Rath, Directrice d’Orphanet, et Yann Le Cam, Directeur d' EURORDIS-Rare Diseases Europe. Les avancées du Plan National Maladies Rares ont été présentées avec notamment le développement de 109 programmes d’Education Thérapeutique du Patient (ETP) intégrant la place des aidants et des e-ETP, des Protocoles Nationaux de Diagnostic et de Soins (PNDS), de la mise en place d’observatoire des impasses diagnostiques et d'un observatoire des traitements, et du maillage territorial débuté en 2020 pour accéder au dispositif d’expertise dans le parcours de soins. L’ensemble de ces avancées, et de la mise en place des plans nationaux Maladies Rares, résultent du combat de longue date mené par les associations de patients. Les perspectives du Plan France Génomique 2025 dans le cadre du diagnostic prénatal et le retard sur le dépistage néonatal par rapport à d’autres pays européens ont également été discutés, ainsi que les perspectives des innovations thérapeutiques avec la thérapie génique. Enfin, la mise en place des réseaux européens de référence dont 8 sont coordonnés en France, et l’EJP-RD, le programme de recherche européen conjoint coordonné par l'Inserm, ont été évoqués permettant de favoriser les avancées de la recherche.
La Plateforme Maladies Rares, rassemble sur un même site des représentants d’associations de malades et des professionnels de santé et de la recherche, des acteurs privés et publics, des salariés et des bénévoles, des intervenants français, européens et internationaux, et est constituée de six entités autonomes :
- L’Alliance Maladies Rares, collectif français de 230 associations de malades.
- L’AFM-Téléthon, association de malades et parents de malades à l’origine de la création de la Plateforme en 2001 et financeur majeur de celle-ci grâce aux dons du Téléthon.
- EURORDIS, fédération européenne qui rassemble 894 associations de malades de 72 pays.
- La Fondation Maladies Rares réunit les acteurs de la recherche et du soin (publics, privés et associatifs) afin d’accélérer la recherche sur les maladies rares au bénéfice des malades.
- Maladies Rares Info Services, le service d’information et de soutien sur les maladies rares.
- Orphanet (Unité de service 14 de l’Inserm), la base de connaissances des maladies rares et les médicaments orphelins.
L’objectif de la Plateforme Maladies Rares est de favoriser la reconnaissance des maladies rares comme priorité de santé publique et porter la voix des malades, de soutenir la création et l’activité de toutes les associations de maladies rares grâce à la formation, l’échange d’information et l’entraide, de développer la connaissance et les services d’information en direction de tous les publics, de soutenir et renforcer la recherche sur les maladies rares, indispensable pour parvenir aux traitements, et de proposer des espaces de réunion et de travail pour tous les acteurs engagés dans la lutte contre les maladies rares.
(1) Nguengang Wakap, S., Lambert, D.M., Olry, A. et al. Estimating cumulative point prevalence of rare diseases: analysis of the Orphanet database. Eur J Hum Genet 28, 165–173 (2020). https://doi.org/10.1038/s41431-019-0508-0