Depuis huit ans, Marcela Gargiulo exerce à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière où elle rencontre des enfants ou des adultes venant juste de recevoir le diagnostic d’une maladie neuromusculaire génétique, mais aussi les adultes "à risques" de développer une maladie neurodégénérative qui désirent connaître leur statut génétique.
"Toutes les personnes qui se présentent à notre consultation multidisciplinaire des maladies neuromusculaires se voient proposer systématiquement un entretien avec le psychologue suite à l’annonce du diagnostic. Cette approche, novatrice à l’époque de sa mise en place, tend aujourd’hui à se généraliser, et permet de mettre en évidence des besoins psychologiques, voire psychiatriques, chez un grand nombre de malades. Depuis peu, nous avons à cœur de faire participer le proche aidant du malade (ami, parent, enfant, auxiliaire de vie), dont la santé psychologique est aussi importante que celle du malade : s’il craque, le malade en sera fortement perturbé. Le premier entretien a pour objectif de faire connaissance, de dédramatiser la rencontre avec le psychologue, d’évoquer l’impact de la maladie dans la vie quotidienne, de revenir sur l’étape douloureuse de l’annonce du diagnostic faite par le généticien ou le neurologue, et de juger l’état d’anxiété du patient et de sa famille. Selon les besoins psychologiques évalués, nous orientons les personnes vers un centre de prise en charge spécialisée, un médecin de ville, ou un psychiatre. Nous essayons de fournir aux consultants un maximum d’informations sur la nature de la maladie, ses implications médicales et familiales, et son acceptation ou non par le patient. En effet, pour que le travail psychologique soit efficace, il est indispensable que le malade se sente reconnu par une personne qui connaît bien son état".
Grâce à un financement de l’Association Française contre les Myopathies, la rencontre avec un psychologue est possible dans la plupart des consultations multidisciplinaires des maladies neuromusculaires en France.
Marcela Gargiulo participe également, en association avec un généticien, un neurogénéticien et une assistance sociale, à des consultations de diagnostic pré-symptomatique des maladies neurodégénératives. La plus fréquente concerne la maladie de Huntington, pour laquelle on sait détecter l’anomalie génétique depuis une douzaine d’années. Mais depuis peu, la démarche s’est étendue à un certain nombre de maladies neuromusculaires : maladie de Steinert, dystrophies musculaires facio-scapulo-humérale et oculopharyngée, cardiomyopathie hypertrophique.
"Dans notre service, le cheminement pour les diagnostics pré-symptomatiques est toujours le même. Il se divise en plusieurs étapes (information, préparation, analyse moléculaire, suivi et accompagnement) étalées sur une période moyenne de quatre mois, afin de permettre au demandeur de réfléchir sur sa décision, de s’approprier son désir de connaître ou non son statut génétique. En effet, dans tous les cas, il n’y a aucun traitement curatif, et le seul bénéfice à retirer du diagnostic est psychologique. Parmi les 20% de personnes à risques de développer une maladie de Huntington qui font une demande de diagnostic pré-symptomatique, seulement la moitié vont au bout de leur démarche. Paradoxalement, nous observons des réactions négatives à l’annonce d’un statut favorable : des personnes ayant construit leur vie en imaginant un avenir en tant que "malade" émettent des regrets sur des choix professionnels ou affectifs, d’autres souffrent du syndrome du survivant, ou se sentent coupables face aux membres de leur famille chez qui le test pré-symptomatique s’est révélé défavorable. Toutes les réactions sont uniques et difficiles à appréhender, d’où la nécessité d’un processus étendu dans le temps tel que celui que nous proposons, et non d’un prélèvement sauvage sans préparation ni suivi".
Actuellement, il existe 16 centres français ayant obtenu un agrément pour réaliser le diagnostic pré-symptomatique de la maladie de Huntington.