Il est très difficile d’imaginer ce que seraient la recherche et le traitement des maladies rares sans l’immense contribution de Victor McKusick, médecin chercheur responsable du développement des théories et des pratiques basées sur une approche génétique.
Cet homme est l'un des premiers à avoir fait la relation entre des gènes spécifiques et des manifestations cliniques (la relation génotype/phénotype). Il a contribué au développement des tests prénataux, a proposé le dépistage de certaines maladies génétiques chez les nouveaux-nés et a contribué à l’émergence des projets de thérapie génique.
Victor McKusick
Victor McKusick, docteur en médecine, professeur à l’Université de génétique médicale de l’école de médecine Johns Hopkins et pionnier international dans le domaine de la recherche génétique, du diagnostic et du traitement, est né le 21 octobre 1921 avec son frère jumeau Vincent. Il a grandi parmi ses quatre frères et sœurs dans une ferme laitière dans le Maine, bien que ses parents aient également été éducateurs.
Le docteur McKusick décida de suivre des études de médecine à la suite d’une maladie contractée à l’âge de quinze ans dont il guérit grâce à un traitement antibactérien récemment découvert. Après avoir fini ses études, il travailla d’abord en cardiologie et s’intéressa très tôt aux pathologies rares après avoir rencontré un patient atteint du syndrome de Marfan, maladie caractérisée par des troubles cardiaques, une grande stature et des anomalies oculaires. Le docteur McKusick était passionné par les symptômes et par la transmission de cette maladie et il étudia d’autres patients atteints du syndrome de Marfan ainsi que des patients atteints d’autres maladies héréditaires.
Dans une interview au journal Baltimore Sun, le docteur McKusic disait : « Certains de mes collègues pensaient que je commettais un suicide professionnel en raison de ma réputation acquise en cardiologie en me concentrant sur des cas pour la plupart rares et sans importance. Mais cela ne me gênait pas. J’étais sûr que cela menait quelque part ».
Le docteur McKusick rassembla méthodiquement les caractéristiques cliniques de nombreux syndromes héréditaires. Il fonda la division de génétique médicale à l’Institut Hopkins en 1957, le premier centre du genre au monde. Il fut le premier à travailler avec des sujets de groupes génétiques isolés, comme la population Amish. Il en obtint discrètement les profils médicaux et génétiques ce qui lui permit l’identification de gènes spécifiques de certaines pathologies comme le nanisme. Son expérience du milieu agricole et sa vie à la ferme pendant son enfance l’auraient considérablement aidé à pénétrer l’univers des Amish et à gagner leur confiance.
L’identification des gènes progressait lentement dans les années 60, aussi le docteur McKusick créa la fondation pour la caractérisation des gènes responsables de milliers de pathologies héréditaires. Lors d’une conférence en 1969, il proposa la cartographie du génome humain comme méthode d’identification (et de résolution) des anomalies génétiques. Considérée comme une suggestion « farfelue » par beaucoup à l’époque, sa prémonition ne s’est réalisée qu’à partir de 1993 avec la première carte du génome (Jean Weissenbach et collaborateurs au Généthon) et confirmé avec le décryptage du génome humain à partir de 2001.
En 1966, le docteur McKusick a créé la première édition de la base de données MIM (Mendelian Inheritance in Man – hérédité mendélienne chez l’homme), recueil de gènes et de phénotypes génétiques humains. Douze éditions du livre MIM sont parues depuis ainsi qu’une version en ligne (OMIM) dès 1985. OMIM est continuellement actualisée. Parmi les nombreuses réussites du docteur McKusick, la création de MIM en est considérée par beaucoup comme le couronnement. Le journal « American Journal of Human Genetics » a publié en 2007 un article du docteur McKusick dans lequel il décrit la création de MIM et ses évolutions au fil des ans.
McKusick et les souris
En 1960, le docteur McKusick co-fonda le «Short Course in Medical and Experimental Mammalian Genetics», avec le laboratoire Jackson de Bar Harbor (Maine), un centre de renommée internationale sur la génétique des souris. Le docteur Mc Kusick a été l’un des premiers généticiens à reconnaître la valeur du modèle murin pour la compréhension des maladies humaines, du fait de la similitude des caractères développementaux et physiologiques entre les deux espèces. Il facilita la collaboration entre scientifiques dans les deux domaines et fut co-directeur du « Short Course » pendant 49 ans. Il entamait sa cinquantième année au moment de son décès.
En 1988, le docteur Mc Kusick et Giovanni Romeo, professeur de génétique médicale à l’Université de Bologne, fondèrent l’Ecole Européenne de Génétique Médicale (ESGM) en Italie. Prenant exemple sur le cours de Bar Harbor, l’ESGM dispense des cours aux médecins et scientifiques en Europe et dans les pays méditerranéens. L’école a rapidement acquis une réputation d’excellence et dans les vingt dernières années, plus de 800 enseignants et 5000 étudiants ont participé à ces cours. En 2007, à l’occasion de la 20ème édition du cours de génétique médicale organisée par l’ESGM, le docteur McKusick, avec le prix Nobel Mario Capecchi, reçut un diplôme « honoris causa » de l’Université de Bologne.
Sur sa propre page web du centre médical Johns Hopkins, le docteur McKusick décrit ses principales activités : « Mon intérêt pour la collection complète d’informations sur les gènes humains et les troubles génétiques est représenté par MIM (Mendelian Inheritance in Man), et par sa mise à jour à laquelle je consacre les trois quarts de mon temps. Je vois toujours de nouveaux patients atteints de maladies héréditaires en consultation, particulièrement des patients avec des troubles héréditaires du tissu conjonctif comme le syndrome de Marfan, le syndrome d’Ehlers-Danlos et des dysplasies squelettiques et j’assure le suivi d’anciens patients. Ma relation avec les Amish, très difficile par le passé, est limitée à leur consultation avec d’autres médecins à Hopkins, pour l’avancée de l’étude. Ma recherche continue en histoire de la génétique médicale figure dans un long chapitre de l’ouvrage « Emery-Rimoin Principles and Practice of Medical Genetics » et dans plusieurs études bibliographiques. J’édite deux journaux, « Medicine « (fondé l’année de ma naissance) et un nouveau journal, « Genomics « (créé par Frank Ruddle et moi en 1987)”.
Pendant des décennies, le docteur Mc Kusick à cherché, cartographié et identifié les gènes responsables de nombreuses pathologies liées aux génome comprenant la trisomie 21, la dystrophie musculaire de Duchenne, l’achondroplasie et beaucoup de formes de nanisme. Ses travaux ont révélé certains mécanismes responsables de la transmission de ces maladies et ont également abouti à des traitements qui ont profondément modifié la vie de ces patients.
Recevant également de multiples prix et distinctions, l’ultime honneur du docteur McKusick était d’être capable de poursuivre dans le domaine qu’il chérissait. Nous sommes grandement reconnaissants envers le patient atteint du syndrome de Marfan d’avoir changé sa vie et seront éternellement redevables envers le docteur McKusick pour les avancées en génétique qu’il a effectuées et qui ont eu un impact si profond sur la recherche et le traitement des maladies rares.
Le docteur McKusick est décédé des suites d’un cancer le 22 juillet 2008 à l’âge de 86 ans.
American Journal of Human Genetics. 2007 April; 80(4):588-604.