Les maladies rares sont-elles encore une priorité en France ?
C’est le titre provocateur choisi par le LEEM (Les Entreprises Françaises du Médicament) pour son séminaire annuel consacré aux maladies rares. Le LEEM avait convié des représentants de tous les acteurs impliqués et organisé le débat autour de quatre thématiques.
La première était consacrée à un point d’étape sur le deuxième plan maladies rares, présenté par le Pr Gil Tchernia. Son discours a été très clair, présentant les grandes lignes du contenu tel que rédigé par l'équipe-projet, sous la responsabilité du pilote du plan, à la suite des réunions de concertation de l’hiver, mais aussi le blocage actuel compte-tenu de la conjoncture économique. Il y a donc un fort risque de désengagement partiel de l’Etat alors que la France a été le pays moteur de la politique européenne jusqu’à présent.
Le deuxième thème abordé était celui de l’épidémiologie des maladies rares, présenté comme un enjeu prioritaire pour la recherche et l’évaluation des besoins. Des exemples réussis de coopération public-privé pour l’établissement de registres ont été présenté et le Pr Gérard Bréart (Inserm) a rappelé qu’un portail était en préparation. Il devrait donner accès à un inventaire des sources de données en santé à destination des équipes académiques et des industriels.
Le troisième thème a soulevé beaucoup d’émotion et suscité le débat. Il s’agissait de l’évaluation du service médical rendu des médicaments orphelins. Jérémie Westerloppe (Celgène) a rappelé que les médicaments orphelins étaient essentiellement destinés à des populations très petites. En effet seuls un tiers des produits sont destinés à plus de 1000 patients. Le Dr Eric Abadie (CHMP) a dressé un panorama de la R&D dans le champ des maladies rares pour conclure que le taux d’échec des produits en développement est plus grand si l’entreprise est une PME. Les facteurs d’échec sont le manque d’expérience et les ressources trop limitées pour prolonger la phase clinique autant que nécessaires. Yann Le Cam (Eurordis) a plaidé pour une évaluation de la valeur ajoutée des produits faite à l’échelon européen et non pays par pays, pour un plan d’étude post-AMM coordonné et une re-évaluation à 5 ans. Le prix serait donc un prix conditionnel. Gilles Bouvenot (Commission de la Transparence) a rappelé que la France n’avait rejeté aucun médicament orphelin jusqu’à présent.
La quatrième table-ronde portait sur le prix et les barrières d’entrée. Ségolène Aymé (Orphanet) a souligné la nécessité de travailler à tous les niveaux pour diminuer les coûts, donc les prix, et la nécessité que chacun fasse sa part d’effort, les académiques comme les industriels. Antoine Ferry a souligné les facteurs de surcoût liés aux très petites séries. Aïda Jolivet (CNAMTS) a affirmé que les maladies rares restaient une priorité au même titre que les maladies chroniques et qu’à l’avenir il y aurait une grande transparence des comptes. Noël Renaudin (CEPS) a tenu un langage ferme. La priorité est de traiter aussi bien les maladies rares que les autres maladies, pas d’en faire une priorité au dessus des autres maladies. Il y a pour lui deux catégories de produits : trois-quarts des produits sont à fort chiffre d’affaire (entre 50 et 200 Millions par an), les autres étant à chiffre d’affaire parfois très faible. A l’heure actuelle les médicaments pour les maladies rares coûteraient environ un milliard par an en France, chiffre en progression rapide d’une année sur l’autre. Le système n’est simplement pas viable à moyen terme. L’objectif est d’assurer aux entreprises qui se lancent dans ce secteur, une garantie de rentabilité. Noël Renaudin a redit qu’il souhaitait que la France reste le meilleur marché européen pour les industriels mais que cela passerait par des chiffres d'affaire globaux annuels pré-définis, c'est-à-dire limités à un maximum négocié d’emblée. Ces déclarations ont provoqué un vif débat, on s’en doute.