L’Institut des Biothérapies dans la bataille contre les maladies rares
L'Association française contre les myopathies (AFM-Téléthon) vise à mieux coordonner l'action de Généthon, de l'Institut de myologie, d'I-Stem et du Pôle nantais de thérapie génique en les regroupant sous une bannière commune. En lançant le 27 septembre l’Institut des Biothérapies des Maladies Rares, c’est la première fois qu’une association de malades tente de couvrir ainsi toutes les étapes qui vont de la recherche fondamentale à la mise à disposition des traitements pour les malades. L’Institut des Biothérapies, en fédérant plusieurs centaines d’experts et de scientifiques, permettra aux biothérapies de gagner en visibilité et en efficacité et accélérera le développement de traitements pour les maladies rares. Le docteur Marc Peschanski, coordinateur scientifique de l’Institut des Biothérapies et directeur scientifique d’I-Stem, nous éclaire sur ce nouvel Institut des Biothérapies des Maladies Rares :
Quel est l'intérêt de regrouper les quatre structures qui forment le nouvel Institut des Biothérapies des Maladies Rares ? Qu’est-ce que cela va apporter au domaine de la recherche et du développement pour les maladies rares ?
Les quatre Instituts qui se rassemblent aujourd’hui dans l’Institut des Biothérapies des Maladies Rares ont été créés au cours des 20 dernières années par l’AFM-Téléthon, le plus souvent en partenariat avec des structures académiques, pour répondre spécifiquement à des objectifs stratégiques ouverts par les avancées de la science. C’est ainsi que Généthon, en 1991, était le premier centre dédié au déchiffrage du génome humain. Il a évolué ensuite en Généthon II (génotypage) puis III (vectorisation pour la thérapie génique expérimentale) avant d’atteindre sa forme actuelle d’Institut de recherche translationnelle en thérapie génique, orienté vers l’application clinique. L’Institut de Myologie, créé à la fin des années 1990, est un centre de recherche et de soin entièrement dédié au muscle. I-Stem, créé en 2005, a saisi l’opportunité de la révision des Lois de Bioéthique qui ouvrait la porte à la recherche sur les cellules souches embryonnaires pour explorer leurs potentiels thérapeutiques dans les maladies génétiques. Enfin, l’Institut Atlantic Gene Therapies de Nantes, labellisé l’an dernier, est spécialisé dans la recherche de nouveaux vecteurs de thérapie génique pour les maladies génétiques, et leur exploration chez l’animal.
Comme le montre cette rapide description, chaque Institut a un ancrage commun dans les maladies rares d’origine génétique, un objectif commun dans l’identification et la mise en œuvre de nouvelles thérapies, en particulier appuyées sur l’utilisation des éléments du vivant (« biothérapies »), et en même temps des activités, des concepts et des objectifs ponctuels différents. Nous avons décidé d’exploiter ces différences pour en faire des complémentarités, en réunissant l’ensemble de ces acteurs afin que s’exerce de façon optimale une fertilisation croisée.
Comment et quand est née cette l’idée de créer un Institut rassemblant quatre organismes distincts sous le même « chapeau » ?
L’idée d’un regroupement de forces entre les bras armés n’est pas nouvelle, parce que des collaborations se sont bien évidemment tissées tout au long de cette histoire entre des équipes localisées dans différents Instituts. Toutefois, la décision stratégique qui a été prise par la Présidence de l’AFM-Téléthon d’en faire un Institut des Biothérapies des Maladies Rares unique, fédérant l’ensemble des activités, a émergé au cours des dernières années pour des raisons internes aussi bien qu’externes. En interne, l’ajout rapide d’I-Stem (dont le plein déploiement date de 2007) et d’Atlantic Gene Therapies, dont le directeur scientifique a été, pendant trois ans à partir de 2009, également directeur scientifique de Généthon, a mis en lumière toutes les complémentarités que l’on pouvait attendre d’une fédération. En externe, nous vivons depuis quelques années un véritable bouleversement des structures de recherche en biologie, marqué par la constitution de grands Instituts thématisés. Le plus ancien en France est l’IGBMC (Institut de Génétique et de Biologie Moléculaire et Cellulaire) de Strasbourg, mais l’évolution s’est faite rapide depuis le début du siècle, comme en témoignent le rassemblement des neurosciences à la Salpêtrière dans l’ICM (Institut du Cerveau et de la Moelle épinière) ou celui des maladies génétiques à Necker dans Imagine. Ce mouvement fédérateur est international, parce qu’il découle pour l’essentiel du changement d’échelle des moyens nécessaires à la recherche en biologie, dans tous les domaines depuis le séquençage (et l’analyse bioinformatique de ses masses de données) jusqu’à l’expérimentation chez le gros animal, en passant de fait par toutes les technologies intermédiaires. L’Institut des Biothérapies des Maladies Rares est le plus gros centre au monde dédié à son domaine parce que les biothérapies requièrent aujourd’hui ce changement d’échelle comme les autres disciplines biologiques.
Le nouvel Institut des Biothérapies introduit un nouveau modèle d’organisation de la recherche et du développement. Quels sont ses objectifs principaux ?
Les objectifs principaux de l’Institut des Biothérapies des Maladies Rares demeurent ceux définis dès l’origine par l’AFM pour ses Instituts, l’identification de traitements applicables aux maladies génétiques, et leur application aux patients. Dans ce cadre, le maître mot de l’Institut, en complément de cet axe essentiel, est la complémentarité, que ses équipes déclinent dans tous les termes : conceptuels, et l’Institut développe en parallèle plusieurs cadres transversaux de discussion et d’élaboration scientifique, organisationnels, et plusieurs départements transversaux ont été créés pour appuyer le travail des équipes notamment dans les domaines juridique, réglementaire, de la recherche clinique et de la valorisation, et technologiques, au travers de la mise en place coordonnée de plateformes communes répondant à des besoins collectifs identifiés.
Concrètement, comment les quatre laboratoires vont-ils travailler ensemble ? Combien de chercheurs sont impliqués ?
L’Institut des Biothérapies des Maladies Rares compte à ce jour environ 650 personnes impliquées dans la recherche. L’objectif de la construction de l’Institut étant de viser la complémentarité, nous avons choisi de nous appuyer sur les cadres qui animent les quatre structures d’origine, en leur offrant les conditions d’échanges transversaux constants. Nous avons, pour cela mis en place avec les chefs d’équipe une « convention scientifique », qui se réunit deux fois par an pour débattre de grandes questions d’intérêt commun et, éventuellement, dégager des axes de travail qui sont alors pris en charge par des groupes ad hoc chargés de présenter, rapidement, un projet qui pourra être mis en œuvre. La gestion de l’ensemble est placée sous le contrôle d’un bureau exécutif scientifique qui réunit les quatre directeurs scientifiques, plus celui de l’AFM qui assure l’interface avec les autres programmes soutenus par l’Association en dehors de l’Institut. La direction de l’ensemble de l’Institut est assurée par un Conseil de Gouvernance qui réunit, avec ceux de l’AFM, le président, le directeur général et le directeur scientifique de chacune des structures membres de l’Institut.
Quel sera l’impact de l’Institut des Biothérapies sur la scène internationale ? Aura-t-il des collaborations avec des chercheurs d’autres pays ?
Nous espérons bien sûr que l’Institut des Biothérapies des Maladies Rares multiplie largement l’impact déjà important de nos travaux et nous permette d’avancer collectivement beaucoup plus vite vers le transfert de nos résultats expérimentaux à l’application clinique. Il est évident que nous bénéficions tous, depuis toujours, de notre forte inscription dans une communauté scientifique et médicale internationale, et que les collaborations scientifiques – qui ne connaissent pas de frontières – sont essentielles à la réussite de nos travaux. L’Institut des Biothérapies des Maladies Rares est, de ce point de vue, un atout supplémentaire parce que sa taille et sa puissance attirent vers nous l’intérêt de grandes structures avec lesquelles nous souhaitons développer encore nos collaborations, académiques et industrielles. L’Institut, parce qu’il peut servir de « guichet unique » à des rencontres avec les dirigeants de ces grandes structures, permet d’optimiser les collaborations et de les déployer dans des périmètres immédiatement beaucoup plus étendus.
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