Le 24 août dernier, le ministère des Affaires sociales et de la Santé a rendu publics les résultats d’une étude demandée en 2015 par Marisol Touraine, Ministre des Affaires sociales et de la Santé, à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) afin d’évaluer la situation sanitaire engendrée par l’exposition de femmes enceintes à l’acide valproïque en France. Cette étude observationnelle avait pour objectif principal d’estimer la fréquence de l’exposition à l’acide valproïque et ses dérivés chez les femmes enceintes et son évolution durant la période 2007 à 2014, de façon globale et en fonction de l’indication (épilepsie ou troubles bipolaires).
Depuis les années 80, les effets tératogènes de l’acide valproïque sont connus, notamment les anomalies de fermeture du tube neural (spina bifida). Plus récemment, dans les années 2000, un risque augmenté de retards du développement et de troubles du spectre autistique a été mis en évidence parmi les enfants exposés à l’acide valproïque in utero. Selon un communiqué de presse du Ministère, suite à ces observations, l’Agence européenne des médicaments (EMA) a réévalué le rapport bénéfice-risque et des mesures de réduction des risques ont été actées fin 2014. Ainsi, l’EMA a confirmé la nécessité de maintenir ces médicaments à disposition pour les femmes enceintes ou en âge de procréer, mais uniquement en cas d’intolérance ou d’échec aux autres traitements disponibles.
En France, les conditions de prescription et de délivrance de l’acide valproïque chez cette population ont été renforcées à partir de mai 2015, imposant une primo-prescription annuelle par un neurologue, psychiatre ou pédiatre et conditionnant la délivrance en pharmacie à la présentation d’un formulaire d’accord de soins co-signé par le médecin prescripteur et la patiente. Ce renforcement s’est accompagné d’une information auprès des prescripteurs et des patientes. C’est dans ce contexte que l’étude a été initiée. Les résultats de cette étude indiquent que de 2007 à 2014, 14 322 grossesses exposées à l’acide valproïque ont été dénombrées en France. 61% des grossesses ont donné lieu à la naissance d’un (ou plusieurs) enfant(s) né(s) vivant(s), 30% ont subi une interruption volontaire ou médicale de grossesse, 8% ont eu une fausse couche spontanée ou une grossesse extra-utérine et 1% ont eu pour issue la naissance d’un enfant mort-né.
En conclusion, ce rapport met en évidence la persistance d’un niveau élevé d’exposition à l’acide valproïque parmi les femmes enceintes et les femmes en âge de procréer en France (1 333 grossesses débutées en 2014 et 51 512 femmes en âge de procréer au premier trimestre 2016). Selon cette étude, ces niveaux restent préoccupants malgré une diminution notable de la fréquence d’exposition parmi les femmes enceintes (-42%) et les femmes en âge de procréer (-32%) depuis 2007, diminution qui s’explique probablement par un report des prescriptions vers d’autres alternatives thérapeutiques (notamment la lamotrigine) et qui semble s’être accentuée en 2015 et au début 2016. Ainsi, cette étude suggère que l’application des mesures de réduction du risque doit être renforcée et que des mesures de précaution doivent être élargies aux autres traitements de l’épilepsie et des troubles bipolaires (21 substances actives pour le traitement de l’épilepsie seront notamment réévaluées par l’ANSM).
Par ailleurs, dans le cadre d’un plan d’action annoncé en mars 2016 par Marisol Touraine, la mise en place d’un fonds d’indemnisation des familles, ainsi que l’apposition d'un pictogramme indiquant le danger de l’utilisation de l’acide valproïque pendant la grossesse sur les boîtes de Dépakine® et de ses dérivés contenant de l’acide valproïque, sont prévus. Enfin, cette étude comportera un deuxième volet qui portera sur les enfants issus des grossesses exposées ainsi identifiées.
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Lire le communiqué du Ministère des Affaires sociales et de la Santé concernant la mise en place d’un dispositif d’indemnisation