Moins de ruptures de médicaments essentiels
Effectives depuis le 1er septembre 2021, deux mesures légales annoncent une amélioration de la disponibilité des médicaments destinés au marché national. D’une part, ils vont être stockés en plus grande quantité, a fortiori les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM). D’autre part, ces derniers sont soumis à des Plans de Gestion des Pénuries (PGP). La date d’effectivité de ces mesures correspond à l’entrée en vigueur du décret n° 2021-349. Paru le 30 mars 2021, celui-ci vient en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 (notamment l’article 48), et s’inscrit dans le cadre la feuille de route ministérielle 2019-2022 intitulée « Lutter contre les pénuries et améliorer la disponibilité des médicaments en France ». L’objectif de cette dernière est de renforcer les dispositifs juridiques existants et ainsi de prévenir plus efficacement les pénuries de médicaments.
En ce qui concerne la première mesure, les laboratoires pharmaceutiques ont l’obligation de constituer un stock de sécurité minimal correspondant au volume de médicaments consommés pendant un délai donné. Concernant les médicaments non MITM, ce délai est fixé à une semaine, voire un mois (lorsque les produits contribuent à une politique de santé publique définie par le ministre des Solidarités et de la Santé). Concernant les MITM, ce délai est fixé à deux mois, au moins. En cas de risques de ruptures ou de ruptures de stock constatés régulièrement dans les deux années civiles précédentes, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pourra relever ce délai à 4 mois. Les laboratoires auront alors 6 mois pour mettre en place cette obligation renforcée de stock, et dans certains cas ils pourront demander des dérogations pour maintenir le délai de 2 mois (par exemple pour les MITM dont la durée de conservation est incompatible). La liste des MITM concernés par ces dérogations sera publiée au cours du mois d'octobre.
Quant aux PGP, ils sont prévus par ledit décret, et viennent également en application de divers articles du code de la santé publique (notamment le R.5124-49-5, et celui définissant les MITM). Ils permettent de prévenir les ruptures de stocks et, en cas de difficultés d’approvisionnement, d’optimiser au mieux les solutions pour assurer la continuité de traitements. Ils seront rédigés par les titulaires d'autorisation de mise sur le marché (AMM), et par les entreprises pharmaceutiques exploitantes, et adressés chaque année à l’ANSM, ainsi qu’en cas de rupture ou de risque de rupture. Les lignes directrices pour leur élaboration ont été publiées par l’ANSM le 21 juillet 2021, et conçues notamment sur la base d’une consultation publique. Par exemple, les indications pour lesquelles la spécialité est rendu particulièrement indispensable doivent être mentionnées (usage-s hors AMM documenté-s, autorisation d'accès précoce, autorisation d'accès compassionnel ou cadre de prescription compassionnelle en vigueur [ex ATU et RTU]). Outre des informations générales sur le médicament concerné (indications, impact pour les patients, circuit de distribution), les PGP contiendront une appréciation des risques pouvant conduire à une rupture de stock, les moyens de maîtrise prévus pour lutter contre ces risques, et les mesures de gestion en cas de risque de rupture ou de rupture avérée. En 2020, 2 446 signalements de ruptures de stock ont été enregistrés, soit une augmentation de plus de 62% par rapport à 2019. Cette forte hausse est liée à la demande, par l’ANSM, de déclaration des ruptures, ou de leurs risques, ainsi qu’aux dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui renforce les sanctions financières pour les laboratoires ne respectant pas les obligations légales. Un point d’interrogation, en ce qui concerne les maladies rares, porte sur la qualité de la documentation apportée dans les PGP, étant donné que les lignes directrices publiées par l’ANSM en appellent à une exigence relativement implicite, puisque « proportionné[e] au niveau de risque considéré et ten[ant] compte notamment de la part de marché que représente la spécialité ».
En lien avec ce sujet, suite aux ruptures régulières d’immunoglobulines (Ig) dédiées aux patients atteints de déficits immunitaires héréditaires, les autorités de santé françaises, en collaboration avec des professionnels de santé et des associations de patients, ont priorisé leur utilisation pour les patients sans alternative thérapeutique (en hiérarchisant leurs indications). Des tensions d’approvisionnement persistent au niveau mondial.
- Pour en savoir plus sur “le stock de sécurité”
- Pour en savoir plus sur “le plan de gestion”