A l’occasion du premier congrès sur le polyhandicap, qui s’est tenu les 14 et 15 juin derniers, le concept de "grande dépendance et citoyenneté" a été abordé avec, notamment, une comparaison des différentes approches européennes.
La grande dépendance, principalement observée dans le polyhandicap, prive la personne de toute autonomie. Pour ces malades, notre société doit travailler à conjuguer citoyenneté et grande dépendance, tout en assurant leur dignité. « Les orientations actuelles sont communes à toutes les politiques, note Geneviève Lang, professeur au Conservatoire National des Arts et Métiers (Handicap, travail et société) : principe de non-discrimination, liberté du choix de vie, définition d’un projet individuel de vie, prise en compte des besoins, participation effective à la vie sociale ». Et les mesures prises évoluent vers un sens commun. Ainsi, alors que la tendance était au "tout institutionnalisation" dans les années 50, on assiste aujourd’hui à une fermeture des structures, au privilège du maintien à domicile et du développement des services de proximité. En Angleterre, par exemple, 450 personnes sont en établissements et 6 000 en hôpitaux ou foyers, alors que 44 000 adultes en situation de déficience intellectuelle évoluent dans des petites structures de 4 à 5 personnes. Leur vie quotidienne est facilitée par le transfert de compétences de l’Etat vers les autorités locales, la proximité favorisant les démarches relatives aux prestations financières, à l’aménagement du logement. De plus, des centres de ressources se développent, fournissant aux personnes handicapées et à leurs proches l’ensemble des informations concernant leurs droits, les aides financières, humaines et techniques. Dans la majorité des cas, les prestations financières sont versées directement à la personne, deux modèles co-existants en Europe : le modèle social-démocrate (pays scandinaves) dans lequel des aides généreuses, provenant à 70% de fonds publics, sont versées sans condition de ressources ; le modèle libéral (pays anglo-saxons) dans lequel les aides, principalement distribuées par des services privés, sont personnalisées et plafonnées en fonction des ressources. On observe cependant une évolution commune privilégiant le droit commun : révision à la baisse des services sociaux et des prestations dans le modèle social-démocrate, entrée des services de proximité dans le secteur marchand.
Gisèle Caumont, infirme moteur cérébral depuis sa naissance, est partie vivre sa retraite en Suède. Elle témoigne de l’accompagnement des enfants et adultes polyhandicapés dans ce pays :
« Dans les années 1970, la Suède a fermé toutes ses institutions dans un souci de justice et de solidarité. Et le pays dispose aujourd’hui d’un système de protection sociale qui garantit un avenir sûr aux personnes polyhandicapées et à leurs proches, dans le cadre d’un maintien à domicile. Une équipe spécialisée rencontre les parents dès l’accouchement si le diagnostic est déjà posé. Elle se rend par la suite à leur domicile pour évaluer les besoins et organiser rapidement l’aménagement du logement, l’installation de toutes les aides techniques nécessaires au confort de l’enfant et des aidants, l’achat d’une voiture aménagée. Dès que cela est nécessaire, un ou plusieurs assistants personnels viennent s’occuper de l’enfant, assurer les gardes de nuit... Les premières heures hebdomadaires sont financées par la commune, le reste par la sécurité sociale. On considère que le handicap ne doit pas coûter. Ainsi, un parent qui souhaite être « assistant » de son enfant, peut cesser de travailler et être salarié. Quand l’enfant grandit et entre à l’école ordinaire (la scolarisation par la commune est obligatoire), son ou ses assistants personnels l’accompagnent, de même que lors de tous ses déplacements. A la majorité, l’adulte polyhandicapé peut rester dans sa famille avec ses assistants personnels, être logé seul dans un appartement aménagé avec des assistants 24h/24, ou rejoindre un petite structure d’accueil (4 chambres au maximum). Il peut se rendre au Centre de Jour pour des activités.»
La France est encore loin de ce modèle fondé sur l’égale dignité de tous les êtres humains, malgré les dispositions prises dans la nouvelle loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.