La Commission européenne confirme son engagement pour la recherche sur les maladies rares et les médicaments orphelins.
Le 13 septembre, s’est tenue à Bruxelles une conférence intitulée : « Rare Diseases research : Building on Success ». Organisée par la Commission européenne l’année d’ouverture du septième programme cadre de recherche, elle a rassemblé politiques, scientifiques et industriels autour des besoins de la recherche dans le domaine des maladies rares. Des thèmes majeurs se sont dégagés au cours de la journée : éviter la duplication des recherches dans un domaine où les ressources sont limitées, augmenter les collaborations internationales et améliorer les financements à long terme de la recherche. De nombreux intervenants ont mis l’accent sur l’intérêt des recherches sur les maladies rares pour les maladies communes. Zoran Stancic, directeur général adjoint de la DG recherche de la Commission européenne, a présidé la première session. Il a appelé à une meilleure prise de conscience des problèmes posés par les maladies rares en cette première année du 7ème programme cadre de recherche. Le commissaire européen en charge de la science et de la recherche, Janez Potocnik, a donné le coup d’envoi de la journée. Dans son intervention enregistrée, il a décrit les maladies rares comme un exemple parfait du besoin de porter la recherche au niveau européen. Les maladies rares, dans leur ensemble, touchent une proportion importante de la population. Valoriser les connaissances et identifier les domaines de recherche majeurs sont des étapes essentielles à la mise en œuvre optimale du 7ème programme cadre de recherche qui consacre 30 millions d’euros aux maladies rares. La princesse Astrid de Belgique, invitée d’honneur de la conférence, a également rappelé « la détresse de l’entourage » des patients atteints de ces maladies.
Alojz Peterle, membre du Parlement européen, a relevé le besoin d’une meilleure coopération entre le Parlement et la Commission européenne pour améliorer la recherche sur les maladies rares et les médicaments orphelins.
Corinne Antignac, de l’Université René Descartes à Paris, a ensuite pris la parole au nom d’Arnold Munnich, originellement prévu comme « keynote lecture ». Elle s’est appuyée sur les recherches sur le syndrome de Bardet-Biedl pour illustrer l’importance d’étudier les maladies rares. Les travaux réalisés sur cette maladie rénale héréditaire, qui affecte un européen sur 120 000, ont ouvert de nouveaux domaines d’étude en biologie cellulaire. Ainsi, malgré sa rareté, près de 20 articles ont été publiés dans des revues scientifiques majeures grâce à une collaboration internationale fructueuse. Elle a également évoqué les avancées technologiques qui ont permis d’accélérer la recherche sur ce syndrome et bien d’autres, prenant comme exemple le séquençage du génome humain.
La matinée était consacrée aux « leçons découlant de la recherche sur les maladies rares ». Sylvia Stöckler-Ipsiroglu, de l’université de British Columbia au Canada, a décrit les recherches ayant mené au développement d’une thérapie de remplacement par la créatine chez les patients atteints de déficit en créatine kinase. Comme souvent dans le cas des maladies rares, des progrès sont encore à faire : le traitement développé n’améliore que partiellement les symptômes des patients et n’est pas applicable à des maladies proches, touchant le même processus métabolique. Un suivi à long terme s’avère nécessaire pour améliorer la connaissance de l’histoire naturelle des maladies rares.
Massimo Zeviani, de l’Institut national de neurologie « Carlo Besta » en Italie, a rappelé que les maladies rares sont devenues des modèles pour des maladies communes. Trois exemples ont illustré ses propos : les études sur le rétinoblastome, une tumeur oculaire rare de l’enfant, ont permis d’établir le rôle essentiel des facteurs génétiques dans le développement des cancers, les études sur les formes familiales de la maladies d’Alzheimer ont permis d’élucider les mécanismes généraux de la pathogenèse de cette maladie, et enfin, l’étude des maladies mitochondriales a aidé à la compréhension des mécanismes de maladies communes comme la maladie de Parkinson.
Gert-Jan Van Ommen, de l’université de Leiden, a présenté les maladies rares comme des moteurs de l’innovation. Il s’est appuyé sur les recherches effectuées ces vingt dernières années sur la dystrophie musculaire de Duchenne, une maladie rare affectant un garçon sur 3500, et pour laquelle des technologies innovantes, telles que le saut d’exon, ont montré leur efficacité. Van Ommen a décrit l’approche dite de la « boîte noire », qui consiste à développer un traitement sans rechercher au préalable les mécanismes en cause dans la maladie.
Le dernier intervenant de la matinée, Carlo Incerti, représentant des Entreprises Biopharmaceutiques Européennes (EBE), a évoqué le succès de la réglementation européenne sur les médicaments orphelins, adoptée il y a 7 ans. Elle montre aujourd’hui une efficacité comparable à celle mise en place aux Etats-Unis en 1983. Il a également exposé les difficultés auxquelles est confronté le développement de traitements pour les maladies rares : peu de modèles animaux et peu de données sur l’histoire naturelle des maladies existent, les maladies rares sont souvent des maladies chroniques progressives, les phénotypes sont extrêmement hétérogènes, les conditions d’autorisation de mise sur le marché sont différentes entre l’Europe, les Etats-Unis, le Japon et d’autres pays, et les financements à long terme de recherches pour lesquelles les bénéfices ne seront pas immédiats sont limités. D’autres obstacles se dressent encore sur cette route : le faible nombre de patients souffrant d’une maladie, les problèmes logistiques pour que des patients éloignés participent aux essais, la difficulté de démontrer un bénéfice clinique, les contraintes liées aux autorisations de mise sur le marché qui peuvent représenter un fardeau pour les industriels, les directives européennes sur les essais cliniques qui ajoutent un niveau de complexité au processus, et la variabilité d’accès au traitement pour les patients selon leur pays d’origine. Dans ce contexte, les recommandations, émises par l’agence européenne des médicaments, sur les essais cliniques sur des petites populations représentent un document central pour la mise en œuvre d’essai clinique sur les médicaments orphelins. C. Incerti a rappelé la nécessité d’établir une étroite collaboration entre les établissements académiques et l’industrie, citant EPPOSI comme un exemple de réussite dans ce domaine.
Leena Peltonen, de l’université d’Helsinki et de l’institut de la santé publique finlandais, a présidé la seconde session de la journée. Elle a présenté les aspects valorisants à effectuer des recherches sur les maladies rares au niveau européen. Les caractéristiques génétiques uniques de la population européenne représentent un atout pour la recherche. Elle a déploré le nombre d’études scientifiques remarquables qui n’aboutissent pourtant jamais à la mise en œuvre de traitements. Au niveau européen, l’harmonisation et la mise en commun des données semblent un enjeu essentiel. De plus, certaines difficultés perdurent, dont un manque d’expertise, le manque de recrutement via la recherche académique ou encore le sous-développement des infrastructures.
Elisabeth Tournier-Lasserve, la directrice du GIS-Institut des Maladies Rares, a décrit les modèles pour financer la recherche sur les maladies rares au niveau européen. Concernant les études cliniques, elle a souligné l’importance d’élargir les cohortes de patients lorsque le gène est identifié. Près de 4000 maladies rares n’ont actuellement pas de bases moléculaires, dû souvent au fait qu’un seul cas est observé dans une famille, ne permettant pas les études génétiques. La création d’une plate-forme génomique à l’échelle européenne permettrait d’améliorer les connaissances dans ce domaine. Concernant les études pathophysiologiques, un meilleur accès aux plates-formes post-génomiques est essentiel à l’avancée des études menées sur les presque 1800 gènes identifiés à ce jour. E. Tournier-Lasserve a souligné l’insuffisance de partenariats entre les établissements académiques et l’industrie. Le plan national maladies rares français pourrait servir de modèles afin d’améliorer la promotion de la recherche au niveau européen.
Marie Johannesson, de l’hôpital universitaire d’Uppsala et de l’agence suédoise des médicaments, a recentré les besoins de la recherche sur les maladies rares dans un contexte global. En tant que membre du comité pédiatrique européen, elle a plus particulièrement évoqué le besoin de produits médicinaux standardisés et développés spécifiquement pour des indications pédiatriques.
John Burn, de l’Université de Newcastle, a souligné les futurs besoins de la recherche sur les maladies rares et les médicaments orphelins. Comme plusieurs intervenants l’ont mentionné, l’accès à des financements à long terme est nécessaire pour voir aboutir les projets de recherche et permettre aux patients de bénéficier des produits qui en découlent.
La conférence s’est terminée par l’intervention de Christel Nourissier, secrétaire générale d’Eurordis, qui a centré le débat sur les patients et le rôle important qu’ils ont à jouer dans la politique et la recherche sur les maladies rares. José Manuel Silva Rodriguez, directeur général de la DG recherche, a clôturé cette conférence en rappelant l’engagement de la Commission européenne dans le domaine des maladies rares et des produits médicinaux orphelins.