Le Comité Consultatif pour le Traitement de l’Information en matière de Recherche dans le domaine de la Santé (CCTIRS) a été créé par la loi 94-548 du 1er juillet 1994. Son rôle est d’éclairer la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) sur la justification du traitement de données à caractère personnel dans un but de recherche. Le CCTIRS est national et composé de 15 membres, médecins et scientifiques, spécialistes dans les domaines de l’épidémiologie, de la génétique et de la biostatistique. Ces experts émettent un avis sur la nature des informations médicales utilisées, sur leur intérêt pour la recherche et sur la méthodologie envisagée. En fonction de cet avis, la CNIL pourra ou non se prononcer sur la nécessité de déroger au secret professionnel qui protège les données de santé à caractère personnel. Cependant, lors de leur pratique quotidienne, les membres du CCTIRS constatent régulièrement que les traitements qui devraient leur être soumis ne le sont pas toujours. Le Dr. Catherine Bonaïti-Pellié, présidente du CCTIRS pendant 3 ans, nous éclaire sur le rôle du CCTIRS et les obligations règlementaires en matière de confidentialité des données personnelles dans le domaine de la recherche en santé.
Dr. Catherine Bonaïti-Pellié
Quel rôle joue le CCTIRS dans le dispositif règlementant l’utilisation de données personnelles dans le domaine de la recherche en santé ?
La CNIL est l’autorité responsable chargée de veiller à la protection des données à caractère personnel. En matière de santé, un comité l’assiste dans cette mission, le CCTIRS. Initialement, le CCTIRS examinait toutes les recherches en santé traitant de données à caractère personnel. Cependant, la CNIL a mis en place en février 2006 une procédure simplifiée pour les recherches biomédicales, celles qui nécessitent une intervention sur la personne non prévue dans sa prise en charge, qui sont déjà très encadrées. Ces recherches doivent en effet être soumises à l’autorisation d’un Comité de protection des personnes (CPP) chargé de veiller à l’intégrité physique des personnes qui se prêtent à des recherches biomédicales. La procédure simplifiée permet aux investigateurs se conformant à une méthodologie de référence de ne soumettre leur demande qu’auprès des CPP, après avoir adressé un engagement de conformité à la dite méthodologie à la CNIL. Cette procédure simplifiée leur évite le passage devant le CCTIRS et la CNIL et simplifie donc leurs démarches règlementaires. Notons qu’elle n’inclut pas les recherches visant à évaluer les soins courants et les recherches observationnelles. Par ailleurs, même dans les recherches biomédicales, un certain nombre de traitements en sont exclus et doivent se soumettre à l’avis du CCTIRS. Il s’agit des recherches qui nécessitent d’utiliser l’identité complète de la personne, des recherches en génétique dont l’objectif est d’identifier les individus et des recherches dont l’objectif principal est l’étude des comportements. Typiquement, il s’agit d’études dans le domaine de la psychiatrie ou d’études où le nom complet des personnes apparait dans un fichier de recherche.
Qu’entend-on par données à caractère personnel qui sont ainsi du ressort de ce dispositif ?
Toute recherche qui traite de données permettant d’identifier directement ou indirectement la personne est concernée par cette règlementation. Rentre donc dans ce cadre tout projet identifiant le patient par un numéro d’ordre et pour lequel il existe une correspondance patient-code qu’elle soit en possession du professionnel de santé ou du chercheur.
Quelle connaissance de la règlementation ont les médecins et les scientifiques ?
Dans leur pratique quotidienne, les membres du comité découvrent régulièrement que des recherches qui auraient dû être soumises au CCTIRS ne le sont pas. Le plus souvent, une méconnaissance de la règlementation est en cause. Toutes les branches médicales n’ont pas la même approche des problèmes de confidentialité du fait de leur pratique. Ainsi, les épidémiologistes sont probablement les mieux informés. Cette culture du respect de la confidentialité leur vient, pour une large part, d’une sensibilisation de longue date à ces problèmes dans la gestion de registres. En revanche, de nombreux biologistes ignorent tout de ces obligations. On constate, par exemple, que ce sont les directeurs d’instituts qui s’engagent à suivre la méthodologie de référence. Nombre de chercheurs ignorent ainsi qu’ils doivent s’y conformer, d’autant qu’ils en ignorent le plus souvent jusqu’à l’existence. S’ils sortent du cadre de cette méthodologie, ils ignorent donc également l’obligation de soumettre leur projet de recherche au CCTIRS. Ces constats ont poussé le CCTIRS à mieux faire connaitre ses missions et sur les procédures de soumission des dossiers. Ainsi, un document intitulé « Le CCTIRS mode d’emploi » a été rédigé en avril 2007 par les membres du comité. Un article vient également d’être publié dans la revue « Medecine/Sciences ». Intitulé « Traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé : nul n’est censé ignorer la loi ! », il vise à rappeler l’existence de la règlementation sur la protection des données de santé, à sensibiliser les professionnels de santé et les chercheurs sur l’intérêt de la mission du comité et à rendre compte de son activité dans un souci de transparence vis-à-vis des équipes de recherche.
Ce dispositif règlementaire est-il appelé à évoluer ?
Une proposition de loi relative aux recherches sur la personne vient d’être adoptée par l’Assemblée Nationale et a été transmise au Sénat. Elle vise à donner un cadre unique aux recherches médicales sur l’être humain. Cependant, le CCTIRS s’alarme de certaines failles de ce texte qui part d’un constat erroné : l’absence de règlementation dans les recherches observationnelles et la non obligation d’information des personnes, ce qui est complètement faux. Il est par ailleurs inquiétant de constater qu’aucun article n’aborde le problème de la confidentialité des données de recherche. Le CCTIRS s’étonne de la précipitation avec laquelle cette loi a été proposée au vote et de ce que ni lui ni la CNIL n’aient été consultés afin d’harmoniser les différentes lois. En effet, ce projet ne faisant pas mention des problèmes de confidentialité, la loi informatique et liberté devrait s’appliquer à toutes les recherches qui devraient alors passer devant les différents comités, ce que voulait justement éviter la procédure simplifiée : les porteurs de projets apprécieront ! On peut espérer que cette loi ne passe pas en l’état au Sénat…
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Accédez à l’article « Traitement de l’information en matière de recherche dans le domaine de la santé : nul n’est censé ignorer la loi ! » publié dans « Médecine/Sciences » via pubmed