Ce que la loi relative à la bioéthique adoptée le 23 juin 2011 change pour les maladies rares
Le texte définitif du projet de loi relatif à la bioéthique a été adopté le 23 juin 2011, le Sénat ayant adopté le texte mis au point par la Commission mixte paritaire. Ce texte avait déjà été adopté par l’Assemblée nationale le 21 juin 2011. Le projet de loi avait été adopté en deuxième lecture par l’Assemblée nationale, avec modification, le 31 mai 2011 et avait encore été modifié par le Sénat le 9 juin 2011.
L’introduction de la première version des lois de bioéthique en France date de 1994 avec la mission d’encadrer les progrès rapides de la médecine et de la science. Après une première révision en août 2004, cette seconde révision a été entreprise car les grandes questions ne manquaient pas – dont certaines sont très proches des intérêts de la communauté des maladies rares : l’autorisation de la recherche sur les cellules souches embryonnaires ; l’encadrement des tests proposés aux femmes enceintes pendant la grossesse ; et la réglementation de l’information des proches en cas de maladie génétique.
Parmi les nouveautés introduites par la révision de 2011 figure la réglementation de l’information des proches en cas de maladie génétique (Titre I, art. 2 à 6). Les dispositions concernent les conditions de la réalisation d’un examen des caractéristiques génétiques d’une personne. Excepté dans le cas où elle veut être tenue dans l’ignorance du diagnostic, la personne est « tenue d’informer les membres de sa famille potentiellement concernés » de l’existence d’une anomalie génétique grave, directement ou de façon anonyme par le biais du médecin.
D’autres modifications concernent l’encadrement des tests proposés aux femmes enceintes pendant la grossesse (Titre III, art. 20 à 24). Dans le cadre du diagnostic prénatal, toute femme enceinte doit recevoir, lors d’une consultation médicale, une information « loyale, claire et adaptée à sa situation, sur la possibilité de recourir, à sa demande, à des examens de biologie médicale et d’imagerie permettant d’évaluer le risque que l’embryon ou le fœtus présente une affection susceptible de modifier le déroulement ou le suivi de sa grossesse ».
En cas de risque génétique avéré, les membres du couple doivent être pris en charge par un médecin et, « le cas échéant ou à sa demande, orientés vers un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal ». Une liste d’associations concernées par le handicap diagnostiqué leur est proposée.
Le gouvernement, d’ici à un an de la publication de la loi, puis tous les trois ans, doit remettre au Parlement un rapport « établissant le bilan détaillé des fonds publics affectés à la recherche sur les anomalies cytogénétiques, en particulier ceux affectés à la recherche réalisée au bénéfice de la santé des patients atteints de ces maladies ».
Il faut noter que la législation sur la recherche sur l’embryon restera largement inchangée, au grand regret de la communauté scientifique qui craint d’être exclue des partenariats aux niveaux européen et international. Ce champ de recherche était jusqu’alors réglé par un moratoire de 5 ans prévu dans la loi de bioéthique de 2004 et mis en place en 2006, arrivé à son terme en février 2011. Ce moratoire permettait l’autorisation, à titre dérogatoire seulement, de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires sous deux conditions : l’exigence de progrès thérapeutiques majeurs et l’absence de méthode alternative d’efficacité comparable. Dans la révision de loi adoptée, la fin du moratoire est actée, et il a été choisi de maintenir l’interdiction de principe des recherches utilisant l’embryon et les cellules souches embryonnaires en instaurant un régime dérogatoire permanent.
Les autres principales innovations de ce nouveau texte portent sur l’autorisation du don croisé d’organes intervenant en cas d’incompatibilité entre proches : deux personnes, candidates au don pour un proche mais incompatibles avec leur proche malade, s’échangent leurs receveurs respectifs s’ils leur sont compatibles. Cette possibilité concernant essentiellement les greffes de rein permettrait d’en réaliser 100 à 200 de plus chaque année. Une nouvelle définition des modalités et des critères permettant d’autoriser les techniques d’assistance médicale à la procréation et d’encadrer leur amélioration est aussi prévue. Ainsi, la congélation ovocytaire ultra rapide (ou vitrification) devrait être autorisée.
Au total cette révision n’apporte que des modifications marginales et bride les recherches sur les cellules souches embryonnaires, sources de beaucoup d’espoir pour les maladies rares.
Les mesures prises pour encourager des actions visant à offrir une alternative à l’interruption de grossesse en cas d’anomalie chromosomique se trompent de cible. Ce qui est susceptible de modifier la perception des couples sur ce que vivra leur enfant handicapé dépend des mesures sociales en faveur du handicap, comme le montre la situation dans les pays du nord de l’Europe.